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RBC daily
14 mai 2012
"Dans ma jeunesse, je voulais être arbitre d'échecs"
Interview du copropriétaire du groupe N-Trans, Andreï Filatov

Andrey FilatovLa semaine dernière a débuté le tournoi pour le titre de champion du monde d'échecs, qui la première fois depuis 27 ans a lieu à Moscou. L'initiateur de la tenue du match pour la couronne mondiale des échecs dans la capitale russe est Andreï Filatov, copropriétaire de la grande organisation privée de transports N-Trans, qui occupe lieu 74e rang du classement Forbes pour la Russie. ANDREÏ FILATOV a parlé du rôle joué par les échecs dans sa vie, du développement des infrastructures de transport en Russie et de ses plans d'avenir avec le correspondant spécial du quotidien RBC IEVGUENIA GAVRILIOUK.

ECHECS A LA TRETIAKOV
- Andreï Vassilievitch, comment vous est venue l'idée d'organiser le match pour le titre de champion du monde d'échecs à Moscou ?
- C'est un concours de circonstances. Mon camarade d'études Boris Gelfand a gagné au tournoi des candidats à Kazan. Et quand je lui ai demandé où se tiendrait le Championnat du monde, et si Moscou prétendait à son organisation, il m'a répondu « Non ». Je lui ai dit : « Tu plaisantes ? La Russie organise la Coupe du Monde de football, les Jeux olympiques de Sotchi, et pas le Championnat du monde d'échecs ? » Voilà comment est née l'idée.
- Pourquoi avez-vous insisté pour que ce match ait lieu à la Galerie Tretiakov ?
- Cela peut devenir un nouvel outil pour le développement de l'économie aussi bien des échecs que des musées. Nous ne comprenons pas encore pleinement l'ampleur des joueurs d'aujourd'hui et leur popularité, quel est le nombre de gens qui regardent les parties quand, par exemple, Anand joue. Lors de la diffusion en ligne de la Galerie Tretiakov, les utilisateurs ne vont pas seulement analyser la partie, mais aussi en apprendre davantage sur nos tableaux, nos artistes, notre art.
 Le monde va découvrir des artistes qui ont été sous-estimés du point de vue culturel, idéologique, et économique. C'est pourquoi un Cézanne vaut 250 millions de dollars, mais un Konchalovsky 500.000. Ce n'est pas normal.
- Et comment pouvez-vous évaluer la position des échecs en Russie? Peut-on dire qu'en Russie, l'intérêt pour les échecs a chuté ?
 - L'intérêt pour les échecs ne s'est pas affaibli. Mais l'investissement dans les échecs a diminué, c'est un fait. Et sa renaissance d'année en année en est un autre.
 - Et que faut-il faire ? Que proposeriez-vous ?
 - Nous agissons. Le Championnat du monde est apparu. Les amateurs d'échecs jugeront à quel point c'est une bonne chose. L'Etat verra à quel point c'est important et prometteur. Et peut-être que quelque chose va changer dans le soutien public des échecs.
L'interaction entre les échecs et l'art me semble très prometteuse. Personne ne considère les échecs comme un outil de promotion, et pourtant c'est un instrument très pratique à ces fins.
 - L'intérêt pour les échecs commence chez les enfants. Que pouvons-nous dire au sujet des échecs pour enfants en Russie ?
 - Ils sont en train de renaître. Il y a un renouveau du sport enfantin, y compris des échecs chez les enfants.
 - Vous-même vous jouez aux échecs, apprenez-vous à jouer à vos enfants ?
 - Ma fille apprend avec des professeurs.
 - Et vous ? Avez-vous le temps ?
 - Malheureusement, non.
 - Pour vous, les échecs sont un sport ou un art ?
 - Dans ma jeunesse, c'était toute ma vie, c'est pour cela que c'est difficile à dire ... Mais je pense que c'est un sport.

UNE HISTOIRE DE MOULIN A CAFÉ
- Comment êtes-vous passé des échecs aux affaires ?
 - En fait, dans ma jeunesse, je voulais être arbitre d'échecs, je suis entré à l'Institut de Minsk d'éducation physique. Mais la Perestroïka a commencé, et ma bourse a tout d'un coup chuté à 3 dollars. Et il y avait un tournoi international à Katowice, en Pologne. Je suis allé là-bas avec un jeu d'échecs, des analyses, des livres et j'ai été surpris de constater que mes collègues plus âgés et plus expérimentés y allaient avec des moulins à café, des appareils-photo, un sèche-cheveux ... C'était rentable : acheter pour quelques roubles, et revendre en Pologne pour des dollars. Le résultat a été un joli supplément aux bourses d'études. C'est à partir de cela, on pourrait dire, que tout a commencé.
 - Pourquoi est née l'idée de vous lancer dans le transport ?
- Dans les années 1990, tout le monde essayait de faire quelque chose pour gagner un peu d'argent. Avec mes futurs partenaires, nous ne pouvions alors qu’aller dans les services, parce qu'il n'y avait pas le capital suffisant. Il n'y avait pas que les transports, mais aussi les ressources humaines ou autre chose. Mais il se trouve qu'on nous a proposé d'organiser les transports.
J'ai trouvé cela très intéressant. Quand j'étais à Minsk avec mes moulins à café, j'ai pensé à la façon dont le commerce est organisé. Je portais quelque chose dans mon sac à dos, et des gens transportaient des conteneurs, c'est incroyable ! Plus tard, en pratique, nous avons découvert comment les entreprises s'en chargent. Les entreprises disaient: "C'est la catastrophe, les associations pour le commerce extérieur se sont effondrées, il n'y a aucun débouché, pas de logistique, pas de transport. Comment organiser tout ça, nous n'en savons rien." Et nous avons étudié ce problème avec les entreprises. Quand nous leur organisions des services, il y avait des choses ahurissantes. Un grand navire venait chercher du métal, on le chargeait au port, mais il ne pouvait pas partir parce qu'il n'y avait pas de matériel de fixation. On ne s'ennuyait pas.
- Et avec quoi avez-vous commencé ?
 - D'abord avec l'expédition de petits lots, puis l'organisation du service pour les aciéries et leurs acheteurs.
 - Pouvez-vous nous dire comment a été créé le holding N-Trans dans sa forme actuelle ?
 - Avec mes futurs partenaires, Nikita Michine et Konstantin Nikolaïev, nous travaillons pendant nos études comme managers dans une entreprise d'expédition de fret, puis nous avons décidé de créer la notre. Il s'agissait d'une compagnie de transport, d'expédition et de service lié au fret. Nous avons travaillé pour de nombreux fabricants. Plus tard est née l'idée de proposer à l'un de nos principaux clients de créer une joint-venture à une échelle d'activité fondamentalement différente, d'assurer la résolution de tous les problèmes logistiques de l'expéditeur. Nous sommes venus voir Alexeï Mordachov avec cette idée. En 1996, on a enregistré Severstaltrans, il y avait du capital pour le développement, peu à peu un large éventail de clients a émergé. Après le défaut de paiement de 1998, les exportations ont repris de plus belle. C'était une époque où la demande était forte pour la logistique, et les acteurs étaient peu nombreux. C'est alors qu'a commencé à la réforme du Ministère des Voies de Communication, on a détaché la composante liée aux wagons du tarif, il est devenu rentable d'acheter des wagons. Nous avons investi les bénéfices : nous nous sommes engagés dans la construction d'équipement de transport, dans la fabrication de locomotives, dans l'achat de wagons, dans les ports, nous modernisions, nous nous agrandissions, nous quittions les actifs sans perspectives de croissance, et nous en achetions de nouveaux. En six ans la société de transport Severstaltrans est devenu un groupe avec une forte composante liée aux ports et au rail.
 En 2007, nous avons racheté la part d'Alexeï Mordachov, et N-Trans est apparu. En 2008, nous avons introduit en bourse les actifs ferroviaires du groupe, l'entreprise Globaltrans, et en 2011 notre opérateur portuaire mondial, Global Ports. Tout cela n'était pas une mince affaire.

L'INFRASTRUCTURE SINON RIEN
 - Quels sont vos projets pour le développement du holding ? Comment voyez-vous la société à l'avenir ?
 - Aussi bien Globaltrans que Global Ports sont des entreprises publiques, elles ont leur propre gestion, et leurs propres conseils d'administration qui décident comment les faire évoluer.
 - N-Trans prévoit-il des acquisitions dans un avenir proche ?
 - Globaltrans se développe assez rapidement. L'achat de 10.000 wagons en trois mois et de Metalloinvesttrans avec un contrat de trois ans indique qu'elle a des ambitions assez élevées. J'espère donc que ce rythme sera maintenu. En ce qui concerne Global Ports, une modernisation est en cours, un grand chantier, chaque terminal possède un programme d'investissement à long terme.
 - Le développement des infrastructures en Russie est-il un axe prometteur ? La création de l'infrastructure privée en Russie a-t-elle un avenir ?
 - Environ un tiers des réserves prouvées à ce jour se trouvent dans la Fédération de Russie, c'est évident. Par suite, étant donné que la demande mondiale va augmenter, l'accès à ces gisements ne peut être assuré que par le biais du développement des infrastructures. Afin de développer l'infrastructure, les réserves d'or et de devises de notre pays ne sont bien sûr pas suffisantes. En conséquence, les conditions seront réunies pour l'arrivée d'investisseurs. Pour arriver au sous-sol, il est nécessaire de bâtir des infrastructures. Pour construire des infrastructures, des compagnies spécialisées sont nécessaires.
 Par exemple, l'entreprise Total est venue à Yamal. Il y a un grand projet de mise en valeur d'un gisement de gaz dans des conditions difficiles. Le développement des infrastructures dans la péninsule de Yamal, pour exploiter ce gaz sans méthaniers, sans navires spéciaux, a exigé plus de 30 milliards de dollars. Au Japon, il y a aujourd'hui un manque de charbon à coke. Pour aller sur le gisement de Touva, les sociétés japonaises ou australiennes (qui seraient très heureuses d'être sur place) ont besoin d'infrastructure, il leur faut des voies ferrées.
Nos gisements sont convoités par le monde entier. Sans infrastructure c'est impossible. Il ne faut pas uniquement exporter, mais aussi raffiner. Par conséquent, nous avons besoin de compagnies d'infrastructure. C'est pourquoi, bien sûr, il y aura des concessions privées, ferroviaires, automobiles et portuaires. Le volume du marché de l'infrastructure, selon l'ancien ministre des Finances Alexeï Koudrine, est de 1.000 milliards USD.
 Les entreprises d'infrastructure c'est avant tout l'accès au capital. Ces entreprises doivent être honnêtes, publiques, transparentes et doivent bénéficier de confiance. C'est tout.
 - Il s'agit d'une tendance mondiale ?
 - Pas vraiment. Actuellement, sur notre marché actuel de l'infrastructure, Gazprom et des entreprises sidérurgiques sont par exemple présents. Ils sont obligés de réserver une partie de leurs bénéfices au développement de l'infrastructure. Plutôt que de s'occuper d'extraction, d'exploration et de forage des gisements, ils sont contraints de s'engager dans la construction de terminaux gaziers. Alors que dans le monde entier, ce sont des compagnies spécialisées qui s'occupent du développement de ces terminaux. Nous y viendrons. Les compagnies pétrolières et gazières ne s'en sortiront pas seules. Nous avons déjà l'expérience. La première concession a été conçue sur le chemin de fer de Tsarskoïe Selo, et il y avait du capital privé américain, européen, et russe. C'est la même chose ici. Tout cela aura lieu.
- Quand ?
- Les premières concessions sont apparues notamment avec la participation de capital international. Les grandes sociétés internationales font preuve d'un grand intérêt pour les projets d'infrastructure de la Russie. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement est déjà actionnaire de Globaltrans. Il y a eu la crise, nous réalisions alors un SPO, et un grand nombre d'investisseurs du monde entier ont mis de l'argent pour que nous achetions des wagons. C'est un lien direct.
 - Pourquoi avez-vous par le passé décidé de participer à la Société concessionnaire du Nord-Ouest (SZKK, compagnie impliquée dans la construction d'un tronçon de l'autoroute Moscou - Saint-Pétersbourg, NDLR) ?
 - SZKK est un premier exemple de partenariat international dans les concessions routières. Mon ambition personnelle est de montrer que ce marché existe, qu'il se développe, que nous avons adopté une loi unique sur les concessions, et que nous amassons de l'expérience dans le domaine des concessions. Selon les estimations des experts, rien que les projets d'infrastructure annoncés exigent jusqu'à 100 milliards de dollars d'investissement. Moscou - Saint-Pétersbourg, périphérique central de la région de Moscou, autoroutes M1, M3, M4, M7, Europe - Chine occidentale : il existe un grand nombre de projets selon différentes formes de participation (obligations, fonds d'infrastructure et investissements directs par le biais de PPP). Par conséquent, le petit projet de 2 milliards de dollars dans ce domaine constitue une première expérience importante.
- Comment trouvez-vous cette expérience ? Quelles conclusions peuvent être tirées de ce projet ?
 - La première, bien sûr, c'est l'absence de préparation de l'Etat pour de tels projets.
 - Comment cela se manifeste-t-il ?
 - Le concessionnaire vient pour travailler et investir. Pourquoi le concessionnaire devrait-il se soucier de savoir s'il y a ou non une réserve forestière, s'il y a des communications ? Nous avons un accord avec l'État, l'État doit entièrement préparer le tronçon pour que l'on puisse tranquillement commencer à construire. Dans le premier projet, il s'est avéré que le site n'avait pas été préparé. Bien sûr, il y a beaucoup de questions sur ce thème. Par conséquent, l'État a du pain sur la planche ici, s'il veut résoudre des questions à l'aide de l'institut qu'est la concession. Et nous ne pourrons pas résoudre le problème du traitement de l'eau, des usines d'incinération, des parkings, et des routes à péage, sans cet outil. Nous n'avons pas le capital suffisant.
 - Avez-vous encore de l'intérêt pour de tels projets ?
 - Bien sûr. Tout projet d'infrastructure présente un intérêt à mes yeux.
 - Avez-vous déjà des projets de participation à des appels d'offres concrets ?
 - Nous participons à toutes les offres. Pour l'instant nous participons, puis nous verrons.
 - L'automne dernier, Guennadi Timtchenko a acheté à vos partenaires Konstantin Nikolaïev et Nikita Michine une part de 13% dans TRANSOIL. Pourquoi êtes-vous restés dans la compagnie alors que vos partenaires en sortaient ?
 - Nous avons tous nos investissements personnels. Je préfère investir dans des projets d'infrastructures de transport.
 - Vous pensez que les transports sont prometteurs ?
 - Je considère que le secteur ferroviaire est l'un des meilleurs secteurs sur le marché des infrastructures de Russie et du monde. La Russie est une grande puissance en matière d'infrastructure ferroviaire. TRANSOIL est une société ferroviaire, assez symbolique et importante dans notre espace économique. Ce secteur est intéressant.
 - Comment évaluez-vous le déroulement de la réforme du transport ferroviaire ?
 - Aujourd'hui, seule la réforme structurelle a eu lieu, et on a ouvert le marché des wagons. Il y aura ensuite le marché des locomotives, le marché des services, le marché des chemins de fer. Bien sûr, il y a beaucoup de problèmes, car le volume des investissements est en dessous du niveau nécessaire. La libéralisation du marché des wagons en 2001 a été une mesure forcée - il était vital de lever des capitaux pour la construction et la production de nouveaux wagons. Sans quoi l'industrie se serait arrêtée.
 Si l'on s'y penche un peu, jusqu'à la vente de la Première compagnie de fret, il y avait environ 500.000 wagons privés sur le réseau. Le montant moyen était de 60.000 dollars. Cela signifie que 30 milliards de dollars d'argent privé a été attiré dans ce secteur. Citez-moi une seule industrie qui ait pu aussi rapidement se moderniser et attirer 30 milliards de dollars.
 Donc, nous devons aller de l'avant. Regardez, ceci est très bien illustré par la rapidité de livraison des marchandises, qui est trois fois inférieure à ce qu'il faudrait. Pouvez-vous imaginer combien de marchandises, de matières premières, de capital congelé et au point mort se trouvent actuellement sur la route ? Combien d'argent s'évapore pour des raisons d'inefficacité ?
 - Inefficacité dans quoi ?
 - Quelle est la raison d'une vitesse aussi faible de livraison ? En premier lieu dans le sous-développement du chemin de fer et du parc de locomotives. Pourquoi le réseau ferré et le parc de locomotives sont-ils sous-développés ? Par manque d'investissement. Parce que les lois ne sont pas fixées, on n'a pas créé les conditions pour que la concession fonctionne à grande échelle, par exemple dans les chemins de fer. On n'a pas attiré capital, y compris international, destiné à construire plusieurs nouvelles lignes ferroviaires vers de nouveaux gisements. C'est-à-dire que l'on n'a pas mis en place les conditions nécessaires à l'arrivée de capitaux dans le marché des infrastructures. Et ce marché ne demande pas mieux. L'exemple de Globaltrans et Global Ports montre que le capital est heureux de s'engager sur notre marché.
- Pouvez-vous affirmer que vous avez désormais trouvé votre sphère d'activité, votre créneau, ou avez-vous des projets dans des sphères autres que l'infrastructure ?
 - Non, je ne me vois dans aucun autre secteur. En principe, j'ai décidé de me concentrer dans l'infrastructure et d'évoluer dans ce secteur.
 - Dans le domaine de l'art, avez-vous des idées ou des projets outre le jeu d'échecs et la galerie Tretiakov ?
 - Oui, mais j'en parlerai plus tard.
 - Combien de temps occupent les affaires ? En reste-t-il pour la famille ? Est-ce qu'une personne qui a réussi dans les affaires peut-il être un bon père de famille ?
 - Il faut poser la question à ma femme.

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